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O L T R
MOUVEMENT POUR UNE ORTHODOXIE LOCALE
DE TRADITION RUSSE en Europe occidentale
“ Nous avons transmis la foi, l’espoir et l’amour du Seigneur à nos jeunes et aux natifs d’Occident...
Mais nous ne pouvons vivre que parce que nos racines demeurent dans la Sainte Russie. ”

Table ronde n°10 - Exposé du père Nicolas Rehbinder

Père Nicolas REHBINDER - Prémisses et naissance de l’OLTR

La naissance de l’OLTR est directement liée à la situation survenue après le rappel à Dieu de Mgr Serge (Konovaloff) le 22 janvier 2003. Lors de mon exposé du 12 décembre 2012 à la dernière table ronde de l’OLTR, je relatais l’action déployée par Mgr Serge dans les deux domaines suivants :

  1. La pérennité de l’Archevêché des églises orthodoxes russes en Europe occidentale, dont il avait la sollicitude épiscopale ;

  2. L’assise canonique correcte de cet Archevêché.

 Rappel de l’action de Mgr Serge

Pour avoir été l’un des très proches collaborateurs de Mgr Serge pendant les dernières années de son service à la tête de l’Archevêché, je puis rappeler très précisément sa démarche dans ces deux domaines.

Ses principales constatations faites alors peuvent se résumer en trois points :

  1. Il était en charge du corps ecclésial créé canoniquement en Europe occidentale par l’Eglise russe après la révolution de 1917 : il s’agissait d’un évêché qui rassemblait les paroisses russes préexistantes et celles issues de l’émigration, avec le Métropolite Euloge placé à sa tête en 1922 par le saint Patriarche Tikhon. A cause des persécutions et des énormes pressions exercées sur l’Eglise russe par le régime soviétique en Russie et afin ne pas subir elle-même ces pressions, l’entité ecclésiale confiée au métropolite Euloge a dû, en 1931, se placer sous la protection canonique temporaire du Patriarcat de Constantinople. Le Patriarche œcuménique la prit sous son omophore sous forme d’exarchat, puis en 1971, sous forme d’archevêché à autonomie interne par l’intermédiaire du métropolite grec de France.

  2. Les contacts de Mgr Serge avec l’Eglise mère de l’Archevêché s’amélioraient : avec la chute du régime soviétique en 1990, la libération et la renaissance de l’Eglise russe, les relations se multiplièrent et, malgré quelques aléas, devinrent directes et régulières.

  3. A cette époque, l’Archevêché éprouvait des difficultés : ses forces s’épuisaient, il manquait de prêtres bien formés, de fonds financiers pour entretenir et faire vivre les anciennes paroisses avec leurs édifices dont l’état allait en se dégradant, en d’autres termes, il manquait de liaison permanente et enrichissante avec son Eglise mère. Le Patriarcat de Constantinople garantissait une bonne couverture canonique, mais de fait, uniquement cela.

La constatation de ces faits simples et indiscutables mena Mgr Serge à une conclusion tout aussi simple : pour assurer la pérennité de l’Archevêché et de ses particularités, il lui fallait, puisque le temps était maintenant propice, renouer avec l’Eglise mère, l’Eglise en Russie. Il en avait toute légitimité, puisqu’il était le successeur du métropolite Euloge qui, au temps de la rupture en 1931, avait promis au clergé et aux paroisses, de présenter à l’Eglise mère la situation canonique de l’Archevêché, dès lors que les relations seraient rétablies, afin de l’évaluer. C’est donc ce qu’il fit, avec l’acceptation de cette démarche par le Patriarche de Constantinople.

Fin 2002, après de longs mois de discussions régulières mais confidentielles avec l’Eglise russe, les statuts d’une métropole autogérée, rédigés en commun, étaient enfin prêts. Ces statuts étaient une copie de ceux qui régissaient la vie de l’Archevêché que Mgr Serge dirigeait (l’Archevêché des églises orthodoxes russes en Europe occidentale), avec quelques aménagements, afin de prendre en compte la proposition formulée par l’Eglise russe de réunir en une seule entité ecclésiale ses trois branches dispersées par l’Histoire en Europe occidentale.

A la mort de l’Archevêque Serge, et afin de consolider le travail accompli, l’Eglise russe proposa de présenter et réaliser concrètement, avant l’élection de son successeur, ce qu’il avait négocié. Elle le fit en toute sincérité et quiétude, se fondant sur la réelle autorité de Mgr Serge dans son diocèse et n’entrevoyant pas les difficultés à venir. Ce fut la fameuse lettre du Patriarche Alexis II d’avril 2003 à tout le plérome des Eglises issues de l’Eglise russe et dispersées à l’étranger. Malheureusement, Mgr Serge n’avait pas eu le temps de préparer le terrain pour cette proposition.

Rappel des principaux points de la lettre du Patriarche Alexis

Malgré la joie profonde éprouvée par beaucoup à la lecture de cette lettre, qualifiée d’« historique », et, selon l'expression du protopresbytre Boris Bobrinskoy, d’« événement ecclésiologique », la réaction de nombreux membres de l’Archevêché fut négative. Ceci à tel point que l’on est en droit de se demander s’ils l’avaient lue correctement. Voici formulées en trois points les propositions qu’elle contenait :

  1. Réunir en une seule entité ecclésiale toutes les paroisses et églises issues de l’Eglise russe situées en Europe occidentale (principalement des paroisses du Patriarcat de Moscou, de l’Archevêché et de l’Eglise russe hors frontières).

  2. Accorder à cette entité le rang de métropole autogérée avec des droits garantis par les statuts préparés par Mgr Serge, dont le territoire aurait couvert une grande partie de l’Europe occidentale, ayant à sa tête un métropolite élu localement par les membres de la métropole. Elle devait être constituée de sous-ensembles territoriaux, correspondant aux Etats, dirigés par un archevêque.

  3. La métropole aurait été ainsi créée dans l’attente de la résolution globale de la situation des églises orthodoxes en Europe occidentale. Celles-ci étaient, et restent jusqu’à présent, organisées en entités ecclésiales nationales. La solution, trouvée et promue conjointement par toutes les Eglises orthodoxes locales, doit permettre, dans l’esprit de la lettre du Patriarche, l’organisation de l’Eglise orthodoxe en Europe occidentale en conformité avec les saints canons.

Ce dernier point montre à quel point le souci de l’Eglise russe était, simultanément avec celui de la guérison des plaies de la division de sa propre Eglise, la préoccupation d’avancer sur le chemin de la mise en conformité canonique et ecclésiologique de la « diaspora » et l’organisation de l’Eglise orthodoxe locale en Europe occidentale.

Malheureusement, le réflexe antirusse quasi pavlovien a pris le dessus et l’on a accusé irrespectueusement cette lettre du Patriarche, pourtant pleine de sagesse et d’amour, de toutes sortes d’intentions malveillantes sur lesquelles je ne reviendrai pas.

Malgré sa promesse lors de ses discours préélectoraux, le successeur de Mgr Serge, l’Archevêque Gabriel (de Vylder), n’examina pas en profondeur les propositions du Patriarche Alexis et referma ainsi, pour longtemps, la porte ouverte par l’Eglise russe pour réunir ce qui était séparé et offrir une meilleure organisation de l’Eglise orthodoxe, conforme aux saints canons.

Création de l’OLTR

Observant que la proposition du Patriarche était dédaignée par de nombreux membres de l’Archevêché, ceux qui y avaient entrevu une avancée incontestable vers la guérison des plaies de la division et enfin, vers une Eglise locale véritable, décidèrent de se réunir et de proposer des débats, dont l’objectif était, et reste, de porter un éclairage constructif sur la lettre du Patriarche. Ils firent appel à des membres des autres juridictions issues de l’Eglise russe.

Ainsi fut fondé le mouvement qui se donna pour dénomination, Orthodoxie Locale de Tradition Russe, l’OLTR, par 25 fidèles des juridictions orthodoxes du Patriarcat de Constantinople, du Patriarcat de Moscou et de l’Eglise russe hors frontières, réunis en assemblée générale constituante à Paris, le 31 mars 2004. Dans leur grande majorité, ces fondateurs faisaient partie de l’Archevêché des églises orthodoxes russes en Europe occidentale, dont certains étaient des membres anciens, respectés et écoutés de l’Archevêché et étaient, ou avaient été, membres de son Conseil.

Par ordre alphabétique, ce fut (trois d’entre eux sont malheureusement déjà décédés) : Marc Andronikof, Constantin Davidoff, Serge Kapnist, Nikita et Xénia Krivocheine, Oleg Lavroff, Victor Loupan, André Malinine de bienheureuse mémoire, Constantin Malinine, Hélène Markoff, Michel Milkovitch, Serge Obolensky de bienheureuse mémoire, Serge de Pahlen, André Ratchinsky, Séraphin Rehbinder, Gueorguy Von Rosenschild, Nicolas Ross, Dimitri Schakhovskoy, André Schmemann de bienheureuse mémoire, Alexis Tchertkoff, Vadim Tichonicky, Basile de Tiesenhausen, Alexandre Troubetzkoï, Emilie Van Taack et Anne Worontzoff. L’assemblée a jugé utile de ne pas inclure dans ses fondateurs des membres du clergé, malgré leur assentiment, afin de ne pas les exposer.

La dénomination même de l’OLTR montre qu’il ne s’agit pas d’une organisation à tendance nationaliste, comme on l’a souvent qualifiée à tort. Il s’agit d’un groupe de fidèles orthodoxes qui souhaitent que l’Eglise russe, meurtrie et divisée par le régime soviétique, retrouve enfin son unité et que, l’un n’allant pas sans l’autre, la vérité ecclésiologique et la rectitude canonique président à l’organisation de l’Eglise. Ce désir d’unité fait écho à celui du Métropolite Euloge et à celui du Métropolite Wladimir quand il s’écriait, en 1949 : « Par nos divisions, nous suscitons la colère de Dieu » ; « la division et la pluralité hiérarchique dans l’Eglise est insensée » et encore, « nous n’aspirons à rien d’autre que le respect des dogmes et des enseignements divins ainsi que des antiques normes de l’Eglise ». C’est là toute la vocation de l‘OLTR.

Or, le refus de cette union par l’Archevêché pérennise la division et la multiplicité des juridictions en Europe occidentale.

Première table ronde prophétique

Dès sa création, l’OLTR organisa des soirées de réflexion et de débats. Il s’agit justement du thème du second exposé mais je voudrais simplement mentionner quelques idées exposées pendant la première. A posteriori, elle apparaît comme prophétique, tant elle soulève les points essentiels de l’existence de l’Eglise orthodoxe en Europe et particulièrement, celle de l’Archevêché.

Après un rappel de la situation canonique de l’Archevêché des églises orthodoxes russes en Europe occidentale, une revue de la vie de l’Archevêché fut faite, de ses succès comme de ses problèmes. On s’aperçoit maintenant que s’esquissait alors tout le paysage dans lequel allait se dérouler la vie de l’Archevêché les années suivantes. A cause du refus de l’union avec l’Eglise mère, pourtant dictée par l’Histoire et la droiture canonique, des difficultés et des aberrations virent le jour : tensions entre juridictions, procès à répétition pour les paroisses et les édifices des églises, émergence de deux séminaires de l’Eglise russe dans la région parisienne, deux cathédrales, etc.

Déjà, une analyse précise de la situation normative de l’Eglise orthodoxe en Europe était dressée et de véritables voies de solutions canoniques y étaient suggérées. Chacun peut télécharger, sur le site de l’OLTR, les exposés qui y furent faits, les lire et les analyser.

Pourtant, il semble qu’aucun des signaux envoyés n’ait été remarqué, aucune des voies de guérison évaluée, mais au contraire, l’OLTR était incomprise et malheureusement, trop souvent vilipendée.

Souhaits pour l’avenir

Aujourd’hui, une partie des propositions de la lettre du Patriarche a été réalisée : l’Eglise russe hors frontière s’est réunie avec son Eglise mère. C’est un énorme succès, tant on peut imaginer la difficulté du chemin qu’il a fallu parcourir et la foi, l’espérance et l’amour qu’il a fallu posséder pour y parvenir.  

L’Archevêché a refusé. A été même refusée l’analyse de la proposition et le débat sur son contenu en Eglise. Un nouvel archevêque a été récemment élu. L’avenir nous dira si les thèmes que je viens d’exposer vont être de son souci.

On pourrait alors penser qu’aujourd’hui, l’OLTR n’a plus de raison d’être. Or, les questions vitales pour l’Eglise aujourd’hui sont toujours les mêmes : organisation canonique dans nos pays, existence de plusieurs juridictions sur le même territoire, union des juridictions séparées par des évènements historiques révolus, etc.

C’est pourquoi il est indispensable que l’OLTR continue son action de veille et de débat, ancrée dans la tradition spirituelle et canonique de l’Eglise.

 

 

 

 

 

Catégorie : Table ronde n°10

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